• LE SPORT C’EST LA SANTE !

    LE SPORT C’EST LA SANTE !
    Né en 1963 à Metz, sportif depuis l’enfance, médecin généraliste, le docteur Alexandre Feltz est considéré comme, le pionnier du sport santé sur ordonnance. Il rencontre, aujourd’hui, un succès national, au travers de son livre « Sport santé sur ordonnance – Manifeste pour le mouvement », paru en janvier 2020, aux Editions des Equateurs. Mr Feltz est également, adjoint au Maire de la ville de Strasbourg, en charge de la santé. Il nous a paru, le mieux placé, pour nous présenter, ses actions et sa vision du sport en 2020, et pour demain !  AMOS Strasbourg se devait, donc, de lui donner la parole et d’éclairer nos étudiants sur cette thématique.

    Parlez-nous de la genèse du DSSO (Dispositif Sport Santé sur Ordonnance) ? 

    « Ce dispositif est né de la prise de conscience, de plus en plus partagée, au-delà du seul milieu médical, que l’activité physique est un médicament en soi.

    En 2008, un rapport de l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) met en lumière les bénéfices d’une activité physique sur la santé. 

    Il est avéré que non seulement l’APS (Activité Physique Sportive) est un outil précieux de la médecine préventive : contre obésité, surpoids chez les enfants et adolescents, anxiété, maladies cardiovasculaires, le diabète, certains cancers, Alzheimer…, mais que c’est aussi un très bon traitement pour les personnes déjà malades. L’activité physique et le sport, sont cependant des activités physiques différentes, dans leur intensité et leurs règles de pratique. Il est possible de faire de l’activité physique sans faire du sport.

    Pour mesurer l’intensité de l’activité physique, on utilise comme référentiel et échelle le MET (Metabolic Equivalent of Task) dont les valeurs vont de 0,9MET (sommeil) à 23MET (course à 22,5km/h). Ainsi, la sédentarité désigne toutes les situations dans lesquelles la dépense énergétique est inférieure à 1,6MET. 

    Or, la sédentarité est importante. 41% des Français sont sédentaires, plus de 7 heures par jour, selon l’étude ESTEBAN (Etude de Santé sur l’Environnement, la Biosurveillance, l’Activité physique et la Nutrition – 2014-2016).

    De plus, nous constatons également de vraies inégalités pour l’accès à l’activité physique et sportive. Ces inégalités sont financières, sociales, culturelles mais également liées à des représentations qui freinent l’accès. Je m’explique : « Lorsqu’on est un peu rond, un peu âgé et un peu malade, l’on hésite à pousser la porte de ces « temples » dédiés à la sueur et à la testostérone.

    Il fallait trouver une réponse adaptée aux besoins spécifiques de cette population. La réflexion était simple. Les preuves scientifiques s’accumulent, depuis 2008, confirmant que l’APS fonctionne comme un médicament. Or, les médicaments sont prescrits en France sur ordonnance. De plus, psychologiquement, il est établi que la prescription écrite d’une thérapie est deux fois plus efficace qu’une simple préconisation. En 2012, un test est lancé sur Strasbourg de DSSO. »

     

    Comment fonctionne le DSSO et qui a rejoint le mouvement, aujourd’hui, en France ?

    « En 2012, à Strasbourg, les patients consultent leur médecin traitant, qui évalue avec lui son état de santé. Il lui remet une ordonnance avec les coordonnées de l’équipe d’éducateurs sportifs de la ville. Le dispositif est gratuit la 1ère année, puis il est demandé une participation solidaire à partir de la 2ème année (20€ et 100€/an selon revenu). En effet cela est possible, grâce aux subventions versées par l’ARS Grand-Est (Agence Régionale de Santé), les DRDJSCS (Directions Régionales de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale), le régime local d’Assurance Maladie du département du Bas-Rhin, et bien entendu la ville de Strasbourg.

    Aujourd’hui, 35 villes en France ont mis en place le DSSO, et 70 villes ont rejoint le groupe de travail. 100 réseaux de santé se sont structurés en France. Mais la question du financement national de ce dispositif reste entière.

    Les retours sont positifs. Il est démontré que :

    • Les gens se sentent mieux, ils respirent mieux, ils se déplacent plus facilement,

    • Les médecins observent une amélioration sur l’état de santé de leur patient,

    • Les patients s’intègrent mieux socialement et recréent du lien social.


    Je suis cependant étonné de ne pas avoir vu plus de clubs de fitness ou de salles de sport privés rejoindre le dispositif, et adapter leurs offres à ce public. L’image véhiculée par ces salles reste encore en décalage par rapport au dispositif. L’Etat a labelisé 135 Maisons du Sport Santé, afin d’encourager et d’implanter la démarche, ce qui est très bien. Mais la première image, que vous voyez en recherchant cette liste officielle des Maisons Sport Santé est encore celle d’une belle jeune femme sportive en train de faire du gainage…Un vrai travail sur la représentation et l’image du sport santé reste encore à faire ! Il faut, non seulement, adapter l’INTENSITE des activités proposées mais aussi l’IMAGE que renvoi tous ces lieux de pratique du sport. »

     

    Votre livre insiste sur l’importance de la participation des pouvoirs publics à ce dispositif : Pourquoi ?

    « Parlons donc chiffres. On peut estimer le coût de la sédentarité en France à 17 milliards d’euros par an dont 14 milliards pour les dépenses de santé (80 % de cette dépense est publique). Le diabète, représente d’ailleurs, près de 20 % de cette dépense. Seulement 25 % de la population Française pratique une activité physique conforme aux recommandations de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) : 30 minutes d’APS par jour, cinq jours sur sept. Le gain économique dépend bien entendu du taux d’amplification de la pratique sportive. 

    Si l’on doublait cette proportion, et que l’on arrivait à 50 % des Français, on aurait des gains nets de 2.6 milliards d’euros par an, tout en investissant 3 milliards d’euros supplémentaires dans la prise en charge de l’activité physique. Il est donc essentiel d’investir dans le sport santé, les gains en santé (et en lien social) sont avérés, et à la mesure des gains financiers.

    Je parle également dans mon livre du sujet du certificat médical de non-contre-indication de la pratique sportive. C’est pour moi un non-sens pour 3 raisons :

    • Tout d’abord, il n’y a aucune preuve de l’efficacité de ce certificat pour prévenir des accidents liés à l’activité physique, 

    • Deuxièmement, interdire pour certains patients la pratique d’un sport revient à dire que le sport est un « danger » et donc encourager l’inactivité, 

    • Enfin, c’est un frein à la pratique du sport car cela dissuade certaines personnes à aller au bout d’une démarche physique et sportive.


    Heureusement des évolutions apparaissent. Le certificat de non-contradiction n’est plus obligatoire par exemple pour les enfants désireux de rejoindre un club ; c’est encourageant ! »

     

    Comment les entreprises, en générale, et les acteurs économiques du monde du sport, peuvent contribuer concrètement à cette initiative ?

    « C’est simple : En développant des offres privées sport santé, adaptées au public et à la cible. Je prends l’exemple du public féminin. Il faut développer des offres genrées, car les femmes sont, aujourd’hui, les plus touchées par la sédentarité et l’inactivité physique et sportive. Aussi, l’accompagnement pendant la grossesse sur ces sujets, n’est pas assez développé à mon sens.

    Il faut chercher les relais pour co-financer le dispositif. Trouver des entreprises partenaires qui supporteraient, pour partie, la démarche par exemple, et permettraient de limiter les coûts pour le patient. La mise en place dans chaque entreprise d’un « préventeur santé », serait pour moi, nécessaire dans les années à venir. Il serait, à la fois, garant des bonnes pratiques en matière de mobilité et d’activités, et acteur de la cohésion sociale dans l’organisation. »

     

    Quels liens entre la DSSO et la productivité au travail ? Et votre avis sur le télétravail ?

    « Il est prouvé que l’on est plus productif lorsqu’on bouge plus. Il est important de casser la sédentarité par des actions simples. Se lever lors d’une réunion, continuer sa discussion en bougeant dans la pièce, marcher quand on est au téléphone, faire un point avec un collègue en se baladant. Les gens pensent que le mouvement casse la concentration, ou ont peut-être peur de la réaction des autres, face à ce comportement. Or, il faut le faire plus, et préparer vos étudiants, à faire tout ce qu’ils peuvent en marchant.

    L’entreprise doit encourager également, les modes de déplacement actifs, pour se rendre sur les lieux de travail en proposant, par exemple, le remboursement des frais kilométriques vélo. Mais, je suis favorable au télétravail aussi !  Il faut cependant que les personnes puissent bouger même chez elles. C’est un sujet auquel il faudra aussi penser. »

     

    AMOS a mis en place avec l’Université de Bordeaux une chaire « Sport, développement durable et territoires », votre manifeste pour le mouvement n’est-il pas avant tout un manifeste écologique ?

    « Absolument. D’ailleurs, il est fondamental de penser, les 3 sujets SPORT, ECOLOGIE et SANTE, ensemble. Les axes entre sport et écologie sont les suivants pour moi : Il faut arrêter de diffuser des images des sportifs à la TV ou sur le terrain en train de boire dans des bouteilles en plastiques. C’est mauvais pour la santé et pour la planète ! Il faut améliorer, notre gestion des déchets, notamment, lors d’évènements sportifs. Il faut aussi se poser la question du mode de déplacement pour aller voir un match ou faire du sport. Je suis encore outré de voir que la majorité des spectateurs du RCS ou de la SIG, par exemple, viennent en voiture, voir un match alors qu’une grande majorité habite, à moins de 5km, des lieux. Il faut que les complexes sportifs fassent, la promotion des modes actifs, de déplacements, et repensent leurs équipements, pour encourager ces modes de déplacements (plus d’arceaux à vélos…). Les joueurs et sportifs ont également un rôle d’exemplarité. Voir chaque joueur arriver au match, seul, dans un 4x4, est une absurdité et un déni d’écologie de santé et de sport ! »

    Docteur Feltz, un grand MERCI pour vos explications et le partage de votre vision sur le sujet du Sport Santé.

    J’invite nos lecteurs à se plonger dans votre livre plein de bon sens et d’espoir.

     
    Propos recueillis en Février par Mathilde Foesser Directrice du Campus AMOS Strasbourg

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