• La TV rennaise ? Un «couteau suisse»!

    La TV rennaise ?  Un «couteau suisse»!
    Jeux Olympiques et Euro de foot reportés en 2021, tous les championnats stoppés, plus aucune actualité sportive…. De grands médias nationaux ont donc dû supprimer des émissions phares comme le Canal football Club ou Téléfoot. D’autres comme l’Equipe 21 se sont adaptés en ressortant «les vieilles cassettes vidéo» avec des matchs et des étapes mythiques comme France-RFA 1982 à Séville, ou bien des cols hors normes qui ont construit la légende du Tour de France. Mais qu'en est-il au niveau local ? Nous avons pu échanger pendant le confinement avec une figure incontournable du milieu sportif rennais à savoir Arnaud Benchetrit, responsable du service des sports de TV Rennes.

     

    Savoir tout faire !... ou presque.

    Passé par les rédactions de TF1, TV Breizh, Eurosport, TPS Foot avant de revenir en Bretagne il y a 15 ans, Arnaud BENCHETRIT n’avait jamais vécu une telle situation comme l’ensemble des français. Il a donc fallu s’adapter. « Généralement dans le milieu sportif il y a une intersaison et nous cherchons à trouver des nouvelles grilles de programmes pour innover. Le but n’est pas de réinventer la TV, mais d’avoir un nouveau regard, de nouvelles idées… Et là tout nous est tombé dessus ! Il a fallu se mettre en ordre de marche très rapidement. Le premier moment marquant a été le 1er tour des élections municipales (15 mars) avec une façon de travailler différente. Quelques jours avant on jouait encore au hand, au foot, au basket. C’est à ce moment-là que la presse et les médias se sont rendus compte de la gravité de la situation ce qui a conditionné notre manière de travailler. Dès le lendemain, le 16 mars, les dernières éditions en plateau à TV Rennes ont été tournées avec une problématique de choix éditorial: parler du covid-19 ou des municipales sachant qu’en matière d’actualité sportive, beaucoup de matchs avaient été annulés. En tant que média local, nous avons fait le choix de parler des municipales ».

    En travaillant à TV Rennes, Arnaud a plusieurs casquettes: commentateur TV pour les matchs des équipes locales, journaliste sportif pour les magazines, présentateur d’émissions d'informations générales comme le JT. Et c’est bien là que réside la principale différence entre un média national où l’on vous demande d’occuper un seul poste. Travailler pour un média local demande d'être un couteau-suisse. « Il faut savoir un petit peu tout faire, ce qui fait la richesse de ce métier car les journées ne se ressemblent pas, nous rencontrons des gens très différents chaque jour et nous réalisons des choses très variées». Cette souplesse a permis de s’adapter rapidement à la situation: « Le 16 mars, nous avons tourné notre édition en plateau avec uniquement 50 % des effectifs et dès le lendemain, nous avons pris la décision d’arrêter les émissions. Dans les chaines locales, celle qui a été la plus rapide à réagir fût la chaîne Wéo (dans le Nord de la France) qui dès le mercredi 18 mars a commencé à produire son rendez-vous quotidien par écrans interposés. A TVR, nous avons préféré nous donner le temps de la réflexion. Nous avons échangé en visio pour savoir ce que l’on voulait mettre en place. Cette période était un élément important car on n’est jamais aussi bon que quand lorsqu’on fait quelque chose que l’on a réellement envie de faire, que ce soit dans le sport ou ailleurs. Ces quelques jours étaient l’occasion de définir notre stratégie sur les réseaux sociaux car nous savions pertinemment que c’est là que nous allions garder notre public».

    En effet, selon lui, la manière de consommer la TV a énormément évolué. « Nous ne sommes plus tributaires du film qui commence à 20h30 devant la TV. Tout ça a bien changé, dans le sport également. On s’est rendu compte que lorsqu’on mettait un reportage sportif dans le JT du lundi à 18h30 ou 19h30, certaines personnes ne le regardaient pas. En revanche, ces sujets que l’on diffuse sont consommés sur les réseaux sociaux et par sport, ce qui prouve que les gens consomment par niche». TV Rennes a donc fortement occupé les réseaux Facebook, Instagram, Twitter durant les premiers jours du confinement lancer des petits défis aux abonnés de la page Facebook (environ 8 000 personnes). Ces défis étaient relayés sur les autres réseaux dès les premiers jours.

     

    Une fenêtre pour le e-sport

    Une des seules actualités sportives était la course Virtual Regatta made in TV Rennes ! Virtual Regatta est un jeu vidéo en ligne de simulation de navigation de voile et de régate gratuit où vous pouvez devenir le skipper de votre bateau. Arnaud a décidé de contacter une personne de la société pour mettre en place une course virtuelle avec des skippers professionnels. Il a donc fait jouer son carnet d’adresses (très important lorsqu’on est journaliste sportif !) et plusieurs ont répondu présents. Le lundi 23 mars à 13h02, la course «La Grande Evasion» a démarré avec six skippers brétiliens. En class 40, on retrouvait notamment Luke Berry et Florian Guéguen, Maxime Sorel et Louis Burton en Imoca et le duo Thibaud Vauchel-Camus/Gilles Lamiré en Ultim. Les skippers envoyaient quotidiennement des vidéos d’eux pour donner leurs impressions, ce qui permettait de réaliser un reportage, diffusé sur les réseaux sociaux. «Très rapidement, nous avons remarqué que notre communauté s’est mise à partager nos vidéos de 40 secondes (5, 10, 15 000 vues en quelques heures). Ce qui est intéressant, c’est que les sportifs se sont mis à nous solliciter pour nous proposer de faire des choses ce qui prouve que la connexion est vraiment établie et on peut travailler dessus » souligne Arnaud Benchetrit. Cependant, il estime que le e-sport est une brèche temporaire qui a permis de combler l’espace, le temps que la vraie vie reprenne son cours.

    « En parallèle nous avons lancé une nouvelle émission nommée « TVR soir à vos côtés » afin d’accompagner nos téléspectateurs pendant cette période de confinement avec une ligne éditoriale très positive. Il y avait un présentateur avec des chroniqueurs aux compétences différentes avec notamment des spécialistes de la diététique, des coachs sportifs car le sport fait partie intégrante de notre vie... L’émission durait 25 min. Elle était enregistrée l’après-midi pour des questions techniques (car le réalisateur a un travail de post-prod pour proposer un produit fini le plus propre possible). Les médias nationaux ont également dû s’adapter (ex: Jean-Pierre Pernault travaillait de chez lui pour le JT de 13h sur TF1 car c’est une personne à risque)».

    Le premier invité sportif d’Arnaud a été le breton Cédric Joly, champion du monde en Canoë-Kayak. Il était chez ses parents dans une maison bien loin de la mer et il y avait un tel décalage entre ce qu’il fait au quotidien et ce qu’il devenait, rendait le sujet très intéressant. Il se préparait pour une compétition qualificative pour les Jeux Olympiques de Tokyo (la compétition a été annulée avant même que l’on sache que les J.O.P soient annulés). Il se trouvait donc dans une situation psychologique délicate à gérer.

    D’autres sportifs, passés par la capitale bretonne durant leur carrière, ont été invité par la suite. « En effet, ce n’est pas parce nous sommes un média local qu’il ne faut dépasser ses frontières. On peut très bien aller à la rencontre de sportifs ayant vécu sur notre territoire. Autre exemple: la Route du Rhum qui part de St-Malo. Nous allons en Guadeloupe et nous trouvons des angles qui permettent de s’évader».

     

    Quel héritage post confinement ?

    Autre point évoqué par le responsable du service des sports de TV Rennes, concerne la différence de traitement de l'information entre les journalistes issus de la presse nationale et les journalistes locaux. « Nous sommes au quotidien avec ces sportifs. Le journaliste parisien va venir commenter son match, analyser parfois de façon très critique et repartir sans se soucier du lendemain. En locale, l’objectif consiste plutôt à instaurer un climat de confiance. Puis au fil des années, ces sportifs savent comment vous travaillez ! Nous avons tout intérêt à ce que nos équipes fonctionnent. Cela amène une complicité, un lien facile car à un moment ils se rendent compte que s’ils ne sont pas bien, nous on est là, nous ne les lâcherons pas et nous allons tout faire pour les aider ».

    De manière générale, ce confinement n’a pas été facile à gérer : « Quand on aime le sport et qu’on est journaliste sportif, on adore se rendre dans les salles, sur un bateau, dans les stades. Certes, nous avons gardé du lien pendant cette période de confinement mais il n’y a rien qui remplace le fait d’être sur le terrain. Personnellement, mon métier n’est pas d’être derrière un écran. Nous avons vu que l’on pouvait mettre en place de nouvelles choses mais je pense que nous sommes meilleurs dans ce que nous faisons au quotidien. Mon métier est plus agréable quand je suis sur un terrain. J’espère garder le moins de choses possibles de cette période ».

    Au final, Arnaud a néanmoins réfléchi à de nouvelles émissions qu’il aimerait faire ou refaire dans l’avenir comme le mini Koh-Lanta lancé il y a quelques années. « Nous avions organisé une émission sur une île au large de St-Malo avec un basketteur, une volleyeuse, une handballeuse etc... On s’était rendu compte que cela les avait uni et que certains étaient devenus amis. Pour cette raison j’ai vraiment envie de le refaire. En tant que média local, notre rôle est aussi de créer du lien entre des sportifs d’horizons différents ».

     
    Propos recueillis par Tony Rolland, chargé de communication et développement AMOS Rennes

     

     

     

     

     

     

     

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